Ouverture de l’Université d’Automne de l’Assemblée des Femmes à La Rochelle – 12 octobre 2019

 

Intervention d’Hélène Bidard, présidente d’ECVF, lors de l’ouverture de l’Université d’Automne de l’Assemblée des Femmes, ce samedi 12 octobre à La Rochelle

 

 

Chère Laurence Rossignol, présidente de l’Assemblée des Femmes ;

Chères membres de l’Assemblée des Femmes ;

Monsieur le Maire de la Rochelle ;

Madame Naïma Charaï, Conseillère de la Région Nouvelle Aquitaine ;

Chère Geneviève Couraud ;

Cher.e.s intervenantes, participantes et participants ;

 

C’est un grand plaisir que de participer à l’ouverture de cette Université d’automne en tant que présidente de l’association Elu.e.s contre les violences faites aux femmes. Université ayant pour thème cette année les masculinistes et antiféministes, personnes plus nombreuses que ce que l’on pense et présentes dans toutes les sphères politiques, religieuses, économiques et sociales. Par le biais de leurs actions et des réseaux qu’elles utilisent, ces personnes discréditent les mouvements féministes et retournent les arguments et les situations à leur avantage, faisant ainsi croire que ce sont elles les victimes.

Si les masculinistes et antiféministes existent depuis bien longtemps, la récente relève féministe dans la société a bien à cœur de dénoncer et contrecarrer leurs actions. Les mouvements Me too et Balance ton porc ont permis depuis 2017 de révéler de graves faits commis envers de nombreuses femmes, s’agissant bien évidemment de violences sexuelles, mais aussi de violences commises au sein du couple. Chaque année, les manifestations et grèves féministes autour du 25 novembre et du 8 mars, ainsi que toutes les autres actions ayant lieu au cours de l’année sont là pour rappeler à toutes et tous, au gouvernement comme à la population, que les violences ne relèvent pas du domaine privé, que c’est une problématique publique et politique qui est loin d’être réglée à ce jour.

L’impunité envers les auteurs de ces violences reste encore trop souvent appliquée, entrainant ainsi une forte récidive, et le gouvernement et les organes de justice restent inactifs face à cela, quand bien même cela est décrié par toutes les associations et mouvements en lien avec la lutte contre les violences faites aux femmes. Et pourtant ce sont ces associations et ces mouvements qui sont sur le terrain, qui connaissent les problématiques, qui connaissent ces femmes victimes qui ont besoin d’aide, et qui subissent aujourd’hui le manque de moyens financiers et humains alloués par l’État. On estime qu’il est nécessaire d’accorder un milliard d’euros pour la seule mise à l’abri et prise en charge des victimes de violences conjugales.

Aujourd’hui, le gouvernement essaie de donner l’impression de prendre les choses en main en organisant un Grenelle sur les violences conjugales. Grenelle qui arrive bien tard, après le 101ème féminicide de 2019, et aujourd’hui nous en sommes à 120, alors que plusieurs associations en réclamaient un depuis longtemps. Ce Grenelle a commencé il y a maintenant plus d’un mois, mais son organisation est discutable, comme le fait de ne pas associer notamment les élu.e.s locaux.ales, de même que les propositions qui commencent à en découler. En effet, les mesures présentées à ce jour dans le cadre du Grenelle sont insuffisantes et pour la plupart non financées. Nous exigeons entre autres l’attribution d’un milliard d’euros de l’État pour la lutte contre ces violences, une augmentation des moyens alloués aux associations, ainsi que le renforcement, la création et le financement de centres d’hébergement dédiés aux femmes victimes de violences ainsi qu’à leurs enfants.

Les collectivités locales n’ont également que très peu été consultées quant aux mesures, expérimentations et moyens à mettre en œuvre pour un véritable plan d’éradication des violences conjugales. Pourtant, les collectivités locales jouent un rôle majeur dans la mise en place de vraies politiques publiques de lutte contre les violences faites aux femmes. Elles connaissent les associations et tentent de les soutenir un maximum. Nous sommes aujourd’hui à moins de six mois des élections municipales. Ces élections sont donc un enjeu crucial dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Il est essentiel d’avoir le plus possible d’élu.e.s qui s’engagent envers les droits des femmes.

L’association ECVF a la ferme intention de mobiliser ainsi un grand nombre d’élu.e.s, et notamment des élu.e.s locaux.ales. ECVF a pour objectif de développer le réseau de ces élu.e.s et collectivités adhérent.e.s et engagé.e.s sur ces questions. Le but est d’assurer une meilleure circulation de l’information, de mutualiser, capitaliser et rendre plus visibles les différentes bonnes pratiques menées au sein de chaque collectivité, et d’obtenir une meilleure sensibilisation et formation dans le domaine des politiques publiques. ECVF mettra à leur disposition des outils de communication, des guides, mais également la possibilité de suivre des formations pour appréhender le mieux possible l’inscription de la lutte contre les violences faites aux femmes dans leur mandat électoral.

J’aimerais vous raconter deux anecdotes sur ce que Madame Schiappa appelle improprement le Grenelle à Paris. Lors d’un comité de pilotage sur ce Grenelle parisien, et suite à la communication de la Secrétaire d’Etat du 3 septembre, date d’ouverture du Grenelle, une préfète a annoncé qu’elle se félicitait de la création du numéro 3919 par le gouvernement. Pour rappel, le 3919 existe depuis 2007 comme numéro pour les victimes de violences conjugales, et est depuis 2014 le numéro nationale d’écoute téléphonique et d’orientation à destination des femmes victimes de toutes les sortes de violences à caractère sexiste et sexuel. Aussi lors d’une réunion concernant la région Ile-de-France, on apprend que le fonds Catherine, destiné aux associations accompagnant les femmes victimes de violences, est de 130 000 euros pour la région Ile-de-France, calculé ainsi au prorata en fonction du nombre d’habitants. Pour Paris uniquement, il s’élève à 13 000 euros. Sachant que nous avons déjà accompagné 12 900 femmes victimes de violences à Paris, ce budget ne nous permet même pas de payer un café à ces femmes. Ces chiffres expliquent nos critiques de ce Grenelle des violences conjugales. Ce ne sont en effet pas des critiques politiciennes, mais bien des critiques de l’absence de politiques publiques sur les territoires. Il est donc nécessaire d’avoir des moyens et la mise en œuvre d’un travail concret avec les élu.e.s locaux.ales.

Merci d’avoir pris cette thématique sur les masculinistes et antiféministes, qui sont malheureusement encore trop présents, mais qui ne nous empêchent pas de progresser inlassablement.

Je vous remercie pour votre attention et vous souhaite de suivre une agréable et enrichissante Université d’automne.