Contre les violences faites aux femmes, seulement quatre candidat.e.s s’engagent

L’association ECVF – Élu.e.s contre les violences faites aux femmes, forte de la certitude qu’un travail en commun est indispensable pour faire reculer ces violences, regroupe depuis 2003 des élu.e.s de tous partis politiques démocratiques ainsi que des collectivités territoriales engagé.e.s contre les violences faites aux femmes.

  • Entre 2 et 3 femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint chaque semaine*
  • 230 femmes violées chaque jour, soit une femme violée toutes les 7 minutes**
  • 1 femme sur 5 victime de harcèlement sexuel au travail***

Voici la réalité de la France d’aujourd’hui. Les violences faites aux femmes sont un problème majeur de notre société.
À l’occasion des élections présidentielles, nous avons donc interpellé les candidat.e.s afin de mesurer l’intérêt que chacun.e porte aux droits des femmes et nous leur avons demandé de se positionner sur les actions qu’elles/ils mettraient en place durant leur mandat pour lutter contre les violences faites aux femmes.

Seul.e.s quatre candidat.e.s ont répondu à notre interpellation. Nous nous inquiétons du peu d’intérêt que semble susciter cette question pourtant alarmante chez des candidat.e.s aspirant à la plus haute fonction de l’État.

Nous remercions pour leur fort engagement les candidat.e.s ayant répondu : Nathalie Arthaud, Benoit Hamon, Jean-Luc Mélenchon, Philippe Poutou.

Voici leurs réponses.

Légende :

: Oui tout à fait
: Oui plutôt
: Sans réponse

 

*L’équipe de campagne de Nathalie ARTHAUD nous a indiqué qu’elle ne répondrait pas à notre interpellation, car la candidate n’est pas susceptible d’être élue. Néanmoins, elle nous a fait part du soutien du mouvement pour toutes nos demandes, a rappelé l’engagement du parti pour la cause des femmes et son combat contre toutes les violences faites aux femmes.

MOYENS ALLOUÉS AU MINISTÈRE DES DROITS DES FEMMES

Maintiendrez-vous un Ministère des Droits des femmes de plein exercice ? Si oui, quel sera son budget ?
Nathalie ARTHAUDMême si nous avons peu d'illusion sur l'efficacité d'un Ministère et d'un observatoire spécifiquement chargé de la violence faite aux femmes, nous sommes solidaires de toutes vos demandes.
Benoit HAMONPour se donner les moyens de l'égalité, et mettre en œuvre des politiques publiques qui améliorent les droits des femmes, je créerai un ministère des droits des femmes de plein exercice dont le budget sera doublé.
Jean-Luc MÉLENCHONNotre programme propose d’inverser la logique comptable qui a prévalu jusque-là, et poser la question des besoins avant celui des moyens. Car le budget d’un ministère garantissant l’égalité ne peut pas être fixé a priori : il doit être celui nécessaire à la réalisation de ses missions !
Philippe POUTOUle budget nécessaire aux besoins

 

MISSIONS DE L’OBSERVATOIRE NATIONAL DES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES

Quelles seraient ses missions ?
Nathalie ARTHAUDMême si nous avons peu d'illusion sur l'efficacité d'un Ministère et d'un observatoire spécifiquement chargé de la violence faite aux femmes, nous sommes solidaires de toutes vos demandes.
Jean-Luc MÉLENCHONAu-delà d’un observatoire, nous mettrons en place un commissariat de l’égalité et de lutte contre les discriminations qui aura pour mission de recenser et d’analyser les phénomènes discriminatoires, dont les violences faites aux femmes, mais qui sera également doté d’un pouvoir de contrôle, d’alerte, de saisie et de sanction, ainsi que d’un corps d’inspecteur·trice·s et d’antennes territoriales.
Philippe POUTOUenquêter, chiffrer, analyser les violences faites aux femmes dans tous les domaines.
faire de proposition pour la mise en place d'une loi-cadre contre les violences faites aux femmes

 

INÉLIGIBILITÉ DES ÉLUS CONDAMNÉS POUR VIOLENCES FAITES AUX FEMMES

Les violences faites aux femmes, notamment au travail, sont extrêmement répandues. Ainsi, 20% des femmes qui travaillent ont été victimes de harcèlement sexuel au cours de leur vie professionnelle, soit une femme sur cinq. Ces violences sont souvent banalisées par leurs auteurs et leur entourage : « main baladeuse », « propos grivois », « gauloiserie »… Et pourtant, ces actes relèvent le plus souvent du délit, voire du crime quand il y a viol.
Si le sexisme est présent partout, il est particulièrement fort dans le monde politique, lieu de pouvoir et de prestige, où la parité est encore trop souvent un vœu pieu.
Afin que cesse l’impunité des agresseurs et que les élus de la République, qui ont une mission d’exemplarité, soient réellement exemplaires, ECVF revendique depuis de nombreuses années l’inéligibilité des élus définitivement condamnés pour violences faites aux femmes.
Comment vous positionnerez-vous par rapport à cette question ?
Benoit HAMONJe demanderai qu'un extrait de casier judiciaire vierge soit exigé pour le dépôt d'une candidature aux élections quelles qu'elles soient. Sous mon gouvernement, un ministre suspecté de faits de violence ou de harcèlement sexuel devra démissionner
Jean-Luc MÉLENCHONDans la constitution pour la 6e république, il nous paraît indispensable, notamment, d’inscrire l’inéligibilité des personnes ayant été reconnues coupable de certains types de délits, au rang desquels doivent figurer la corruption, mais également les violences domestiques.
Philippe POUTOUMise en œuvre d'une loi-cadre contre les violences faites aux femmes contenant des dispositions à ce sujet et notamment la destitution et l'inéligibilité des élus condamner, y compris leur suspension le temps de l'enquête.

 

FORMATION DES ÉLU.E.S SUR LE SUJET DES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES

Les plans interministériels successifs de lutte contre les violences faites aux femmes insistent sur la nécessité de former les professionnel.le.s aux questions de violences faites aux femmes. Ces violences obéissent en effet à des mécanismes spécifiques.
Le rôle de la culture
Que ce soient dans des représentations artistiques, la littérature ou la culture populaire, les violences faites aux femmes sont trop souvent banalisées, voire érotisées.
Des représentations de l'enlèvement des Sabines aux "shut up kisses" des séries populaires (situation où un homme (généralement) coupe la parole à une femme en l'embrassant), l'absence de consentement des femmes est relégué au second plan, montré comme romantique, voire même utilisée pour magnifier la grandeur des héros masculins.
La publicité porte également une responsabilité importante. C'est en effet un agent de socialisation très puissant, puisque chacune et chacun d’entre nous est soumis.e, chaque jour, à plus d’un millier de messages publicitaires. Or, la publicité est très souvent sexiste, c'est à dire qu'elle reproduit des préjugés à l’encontre des femmes, de leurs traits de caractère ou de leur rôle dans la société, ou bien elle utilise le corps des femmes comme objets, qu'ils soient érotiques ou humoristiques.
Un des mécanismes le plus souvent observé est la fragmentation du corps des femmes. Morcelé, le corps est réduit à des parties "utiles" et érotisées : fesses, jambes, sexe, bouche...
Les violences faites aux femmes, des violences sexistes
La chercheuse Patrizia Romito parle des violences en ces termes : « quelles que soient leurs formes et leurs manifestations […] elles ont toutes pour soubassement commun la volonté d’exercer un pouvoir sur les femmes en niant leur désir, en violant leur intégrité, en détruisant leur vie même »*, dans le cas des meurtres au sein du couple.
Pour cette chercheuse, les violences faites aux femmes sont « un instrument rationnel destiné à maintenir la domination masculine ; un instrument qui, pour fonctionner efficacement, nécessite un système organisé de soutiens réciproques et de vastes complicités au niveau social »
Ces violences sont le résultat d’une société inégalitaire. Pour exister, il faut qu’elles soient banalisées, par exemple dans les médias. Mais elles sont également un outil pour maintenir les inégalités entre les femmes et hommes. Elles contribuent ainsi à perpétuer, à la fois dans l’imaginaire collectif, mais également chez les enfants victimes de ces violences, le modèle d’une société profondément inégalitaire, où le simple fait d’être une femme expose à tous types de violences.

*Patrizia ROMITO, "Un silence de mortes. La violence masculine occultée", in Nouvelles questions féministes, 2009/1 (Vol. 28)
Si vous êtes élu.e Président.e de la République, quelles seront vos actions pour vous former et encourager les élu.e.s de tous les territoires à se former sur les questions de violences faites aux femmes ?
Benoit HAMONJe suis favorable à la formation des élu.e.s sur les questions des violences faites aux femmes. Je rendrai également obligatoire la formation initiale et continue de tous les agents publics sur l'égalité femmes-hommes, en commençant par celles et ceux qui sont au contact des jeunes, notamment les enseignant.e.s, ainsi que les fonctionnaires de la police et de la justice.
Jean-Luc MÉLENCHONLa formation des élu.e.s sur cette question des violences faites aux femmes, et au-delà sur le sexisme et les rapports sociaux de genre, nous paraît fondamentale. Nous créerons les conditions d’une formation spécifique conséquente à l’approche genrée également aux enseignant·e·s, aux travailleur·euse·s sociaux et aux fonctionnaires.
Philippe POUTOUFormation obligatoire de tou-te-s les élu-e-s

 

FORMATION DES PROFESSIONNEL.LE.S SUR LE SUJET DES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES

La loi du 4 août 2014 sur l'égalité réelle entre les femmes et les hommes fixe l’obligation d’intégrer dans la formation initiale et continue de certain.e.s professionnel.le.s des modules sur les violences intrafamiliales et sur les violences faites aux femmes. Afin que sa mise en œuvre soit effective, une loi doit avoir les budgets nécessaires aux dispositifs qu'elle prévoit.
Quels seront les moyens alloués à la formation professionnelle sur le sujet des violences faites aux femmes ?
Benoit HAMONLa formation des professionnel.le.s, qu'il s'agisse des institutions telles que la police, la justice, les professionnel.le.s de la santé et du monde social est cruciale dans l'accompagnement des personnes prostituées. Je renforcerai celle-ci et la systématiserai pour les membres des commissions départementales chargées de la lutte contre le système prostitutionnel. Je ferai en sorte que les associations spécialisées aient toute leur place dans cette formation, et je soutiendrai le développement de modules de formation initiale.
Jean-Luc MÉLENCHONNous assurerons une formation spécifique et obligatoire en matière de prévention pour tou·te·s les professionnel·le·s concerné·e·s et la mise en place une antenne spécialisée dans la réception de plaintes pour violences sexistes et sexuelles dans tous les commissariats.
Ce sera une des missions du commissariat de l’Égalité que d’évaluer les besoins et de mettre en place les formations adéquates.
Philippe POUTOULe budget nécessaire.
Formation de tou-te-s les professionnel-le-s en contact avec les femmes victimes de violences (police, justice, secteur social, santé...) et des personnels en charge d'éducation (crèches, nounous, éducation nationale...)

 

LUTTE CONTRE LE SYSTEME PROSTITUTIONNEL

La loi du 13 avril 2016 qui renforce la lutte contre le système prostitutionnel crée un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle pour les personnes victimes de prostitution, de proxénétisme et d’exploitation sexuelle. L'objectif de ce parcours est de permettre à la personne d'être accompagnée et prise en charge de manière globale, pour aller vers des alternatives à la prostitution.
Afin que sa mise en œuvre soit effective, une loi doit avoir les budgets nécessaires aux dispositifs qu'elle prévoit.
Quel sera votre programme concernant la lutte contre la prostitution ? Et quels moyens engagerez-vous pour permettre la sortie de la prostitution ?
Benoit HAMONLa prostitution est une violence à l'encontre des femmes. La lutte contre ce marché de l'exploitation sexuelle est une priorité. Je renforcerai les moyens pour lutter contre la prostitution afin que toutes les personnes prostituées soient accompagnées et protégées, et que la pénalisation des clients soit effective. Davantage de réseaux criminels mafieux qui organisent la traite d'êtres humains seront démantelés. Pour lutter contre la prostitution sur Internet, je mettrai en place des cyberpatrouilles chargées d'identifier les proxénètes.
Jean-Luc MÉLENCHONIl s’agit pour nous de combattre toutes les violences liées à la prostitution, par : la suppression de toutes formes de répression à l’encontre de personnes prostituées, l’attribution de papiers d’identité à toutes les victimes de la traite, et le développement de véritables moyens financiers pour aider les femmes, notamment pour financer les parcours de sortie du système prostitutionnel.
Philippe POUTOURégularisation de toutes les femmes sans-papiers, un titre de séjour avec droit de travail indépendamment d'un mari ou d'un conjoint, un logement et une formation professionnelle pour toutes…

 

LUTTE CONTRE LES CRIMES SEXUELS SUR MINEUR.E.S DANS LE CADRE DE LA FAMILLE

Réalités encore trop méconnues, les violences sexuelles sur mineur.e.s dans le cadre de la famille sont pourtant un fait sociétal de première importance.
Parmi les victimes de violences sexuelles, 81% sont des mineur.e.s. La moitié d'entre elles avait moins de 11 ans au moment où se sont produits les faits, et pour une victime sur cinq, l'agression ou les agressions ont eu lieu avant les 6 ans. Dans 70% des cas, lorsque la victime a moins de 6 ans, l'agression est commise par un parent.*
Face à cette réalité destructrice, il convient d'apporter des réponses adaptées, une réelle information sur le sujet et la possibilité pour les enfants d'être accompagné.e.s pour se reconstruire.

* Chiffres issus de l'enquête nationale (France) auprès des victimes "Impact et prise en charge des violences sexuelles de l'enfance à l'âge adulte", Association Mémoire Traumatique et Victimologie, 2014. Enquête soutenue par l'UNICEF.
Par quelles mesures vous engagez-vous à lutter contre les crimes sexuels sur mineur.e.s dans le cadre de la famille ?
Nathalie ARTHAUDNathalie Arthaud a signé la pétition contre la prescription des crimes sexuels.
Benoit HAMONL'inceste reste un tabou dans notre société. Pourtant, c'est un phénomène qui n'est pas marginal et les enfants victimes en restent marqués à vie. Il faudra en effet pouvoir se doter de données fiables sur lesquelles s'appuyer. De même, les personnes dénonçant l'inceste doivent être protégé.e.s. Je rendrai gratuite la prise en charge des violences sexuelles intrafamiliales, et je travaillerai à protéger les enfants tout autant que leur mère lorsque cette situation est associée à une situation de violence conjugale.
Je suis aussi favorable à un allongement du délai de prescription pour les crimes sexuels commis sur mineur.e.s. En effet, le traumatisme conduit souvent au refoulement de cet épisode qui, peut resurgir de manière tardive. Il faut que les victimes puissent dans ce cas porter plainte et obtenir justice.
Jean-Luc MÉLENCHONIl nous paraît évident que l’étude du phénomène justifie les dépenses nécessaires.
Philippe POUTOUembauches des personnels nécessaires et formées dans le secteur social (assistant-e-s sociales/aux, psychologues scolaires...) permettant une meilleure détection et une meilleure prise en charge des cas d'inceste.
la mise en place de lieux d'accueil pour les victimes.